Aquarium

Hier après-midi… Tout était tranquille. Nous étions partis rejoindre Kathy et ses enfants, chacune sa voiture avec sa marmaille, enfin, non pas tout à fait : moi, j’avais récupéré les petits mecs et dans la 806, y’avait un troupeau de jeunes filles. J’ai rigolé d’entendre les deux petits soldats se raconter leurs histoires de bataille et de chevalier.

Nous avions eu du mal à trouver une place, tant qu’à faire autant être le plus proche possible puisque nous avions décidé de passer la fin de l’après-midi ainsi que la soirée au milieu de cette fête de quartier. « Non, Léa ! ce n’est pas la fête du saumon !!! » Quelle importance : les enfants ont été ravis de jouer à une multitude de jeux géants comme les petits chevaux, des jeux de logiques avec des immenses plots en bois de toutes les couleurs, des toupies de toutes les formes, etc. Y’avait même la traditionnelle pêche à la ligne pour gagner le plaisir d’attraper tout plein de petits canards en plastique et c'est tout, mais c'est déjà tant...

J’étais bien. Et je me suis faite surprendre. Je me suis retrouvée pesant des tonnes, traînant les pieds, les épaules basses, la bouche tombante. Panique à bord : impossible de me dissimuler à part peut-être de me cacher derrière mon ombre. Alors Kathy a fait suivre le mouvement, nous emmenant dans la ville pour nous gâter de sucreries tunisiennes. "Mange, c'est un plaisir simple".  A un moment, on s’est arrêté devant une formation de percussion et mon malaise s’est amplifié…

J’avais envie de poser ma tête sur une épaule. Mais certainement pas n’importe laquelle. J’aurais voulu qu’il soit là et que je puisse lui dire, tout ça, c’est ainsi, il n’est plus question de chercher un fautif, un responsable, toujours est-il qu’à ce jour, j’ai la trouille au bide. Parce qu’à la fin du mois de juin, je vais devoir retourner dans une clinique spécialisée pour que l’on prélève un bout de mon sein et que l’on détermine si on fait un petit trou ou un plus large. Si c’est plus large, ce sera un cancer et donc la surveillance ne sera pas la même. A-t-on vraiment passé toutes ces années ensemble à faire deux beaux enfants pour qu’à ce jour nous soyons de parfaits étrangers ?

Et l’évidence de maintenant : c’est que je n’ai pas à prendre ce chemin là de communication avec lui. C’est derrière, cela n’a pas été possible durant des années et j’accepte enfin de ne plus m’acharner à rentrer en contact avec lui.

Aujourd'hui, la journée a été douce avec les enfants. On attend là tout de suite pour manger un gâteau tout chaud, tout doré.

Je sais que ce soir, quand je les aurai déposés chez leur père, je m’autoriserai à rentrer dans ma coquille, à laisser tomber le masque, ouvrir les robinets.

Ma puce m’a surprise tout à l’heure : on parlait de son examen de flûte, je lui disais que j’allais venir voir sa prof mardi et que demain soir en la déposant chez son père je………………. "Mais c’est ce soir que tu nous ramènes, Maman !" Et mes larmes ont jailli. Elle m’a serré très fort en me disant : tu devrais prendre un bocal rond. Tu y mettrais un joli poisson de mer du style Dorie la folledingue et comme ça, tu pourrais y déverser toute ton eau de chagrin.

Demain, c’est décidé : je vais m’acheter un aquarium.